Michel Batlle : Au seuil de la psychophysiographie.
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encre 80x120 -1971 |
C'est en 1966 que Michel Batlle, crée un concept tout à fait nouveau qui allie l'art au corps en une " relation entre le corps et l'esprit traduite par des moyens graphiques " qu'il nommera: psychophysiographie. Contrairement à la majorité des mouvements de rupture, propres à l'émergence d'idées nouvelles, la psychophysiographie, propose une lecture chirurgicale et intuitive du monde, avec pour support central et focalisation : le corps humain. Cette "science" de l'inexactitude et du simulacre anatomique, justifie son existence du fait de l'éloignement, des artistes, du corps humain, à ce moment là, en tant que base de recherche fondamentale de l'art, non seulement dans sa spiritualité mais dans sa physiologie. Elle est la matérialisation d'un champ de prospection et de recherches des relations entre le charnel et la réflexions, l’instinctif et le monde visible, avec toutes leurs sensations combinées.
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leçon de psychophysiographie N° 2 encre 53x76 - 1972 |
PRÉLIMINAIRE HISTORIQUE Vers la fin des années 60, certains artistes se sont intéressés au corps et à sa gestuelle d'une tout autre manière que les musiciens de la scène rock de la fin des années 50, en prenant le relais de Dada. Dans la mesure ou l'art et la vie ne devaient faire qu'un, il était naturel que le corps devienne l'outil privilégié et l'objet même pour les expressions et les Investigations nouvelles. Leurs actions faisant suite à tous les happenings qu'avaient pu produire la vague Fluxus et ses prédécesseurs. La grande majorité des artistes du corps s'est surtout penchée sur son enveloppe ou sur son environnement matériel et social. Lorsqu'il a été question d'aller plus loin, ce fut de l'ordre de l'action, du rituel ou de l'esthétique comme chez les activistes viennois Nitsch et Mühl et leur "Théâtre des orgies et des mystères" et bien avant eux les japonais de Gutaï avec Shiraga, Shinamoto ou Murakami, eux mêmes continuateurs de certains mouvements avant-gardistes tel que Mavo qui entre 1923 et 25 écrivait dans son manifeste "Nous affirmons et nous nions sans cesse. Nous vivons dans tous les sens du mot de façon absolue". |
cours de psychophysiographiecre 50x65 1972 |
Pour ce qui est du "Body-art" , après les traces des corps peints d'Yves Klein, il y eut les corps mutilés de Gina Pane et d'Acconci , les gestes de Manzoni, Ben ou Gilbert et Georges, les travestissements de Urs Luthi ou de Luciano Castelli, les concepts de Dan Graham, la chirurgie esthétique mise au rang de phénomène de foire par Orlan etc... Toutes ces actions égocentriques étant des variations esthétiques ou anecdotiques de la peinture, ne prenant pas en compte, l'homme dans sa globalité charnelle ni dans son humanité. Aujourd'hui, à l'aube du XXI eme siècle, l'attrait pour le corps se manifeste une nouvelle fois, orienté, toujours, vers des représentations esthétisantes ou des mythologies individuelles; élaborant une sorte de nouvel art fantastique... Hormis de nouvelles qualités techniques, ces productions ne nous proposent rien de plus que ce qui pouvait se faire il y a trente ans, malgré certaines prises de positions humanistes, humanitaires, sociales ou politiques. |
encre 63x45 -1978 |
CHRONOLOGIE C’est en 1965 que Michel Batlle, né en 1946, réalise ses premières expositions personnelles ; il pratique alors une peinture abstraite qu'il abandonnera en 1971 pour une figuration expressionniste et " libre ", avant la lettre, alors que l’impérialisme de l’art minimal et de l’abstraction pure et dure sont à leur apogée. Parallèlement, il réalise des planches anatomiques imaginaires renforcées de contre-écritures et plusieurs dizaines de radiogravures (gravures sur radiographies) qui seront présentées dans diverses expositions à Toulouse. C'est à partir de ce support qu'il créera ses premières psychophysiographies, établissant de nouveaux rapports entre les diverses parties du corps, par des dessins simulant et perturbant l'anatomie académique telle que nous la connaissons. Cette rupture n'étant ni plus ni moins qu'une mise en doute du savoir et de la pensée uniforme qui nous sont donnés par l’école et les médiums de la connaissance et de l’information. |
encre 28x38 - 1980 |
Ma petite enfance fut marquée par le décor japonisant de l'appartement de mes grands parents, des vases, et des tapisseries parcourus de mystérieuses calligraphies noires. Puis il y eut la médecine avec ma mère, radiologue, que je suivais fréquemment dans les services de l'hôpital; c'est là que je découvris le monde caché du corps humain, qui se trouvait être le plus souvent brisé ou malade, surtout au travers des films radiographiques qu'elle m'expliquait... Vers mes dix ans, je découvrais les oeuvres cubistes de Picasso et de Braque et, par le suite, les planches anatomiques de Léonard. Ce n'est que vers 65 que je pris connaissance du mouvement lettriste d'Isidore Isou ce qui me conforta dans la réalisation de séries de contre-écritures que j’élaborais alors, à partir de mon répertoire de formes abstraites. " Aujourd'hui Michel BatIle revisite cette période inventive pour propulser des images et des concepts plus exigeants par rapport à notre époque qui décolle de ses technologies, une époque au sein de laquelle il pourrait faire figure de " nouveau classique ". |
radiogravure 30x24 - 1966 |
En 1999, remodelant des notes écrites dans les années soixante, il crée un spectacle " La Leçon de Psychophysiographie ", dans lequel la danse, les images, le théâtre et la musique expérimentale, se construisent en temps réel tout autour de l'écriture et de la peinture, une sorte de nouvel opéra dont le sujet se développe tel une autopsie qui ouvre notre corps face à notre monde. Ainsi la psychophysiographie peut-elle, aujourd’hui, se faire connaître d’un plus grand nombre, en tant que témoignage d’une époque où le " nouveau " était le mot d’ordre pour certains créateurs classés dans " l’avant-garde ", mais aussi devenir un champ de prospections pour des recherches nouvelles où les pratiques culturelles liées à nos sens pourraient fusionner avec des sciences et des techniques axées sur la prospective. La psychophysiographie étant comme un modèle de démarche et d’attitude, propre à conforter et à décomplexer la recherche face à la liberté de rêver, contre l’autocensure suscitée par les pressions de la culture dominante. |